Les jeunes, c’est la vie ! Même dans les banlieues...

La peur

Ce qui se passe en France fait peur parce que ces événements vont à l’encontre de l’idée de la France, pays modèle, stable, riche et paisible. La société ne va pas bien et la preuve se trouve devant nos yeux, personne ne peut le nier.

La peur vient aussi des images véhiculées par les médias, de leur pouvoir d’associations et de connotations. Ces images frappent directement l’imaginaire. La nuit, des flammes, des explosions, les forces de l’ordre. Elles stupéfient parce qu’elles rappellent les guerres, les attentats, les désastres, l’apocalypse. Elles ravivent les sentiments qui y sont associés.

Ce qui engendre ce sentiment de peur est aussi l’impression d’irrationalité, de folie qui entoure la situation. Les explications sont ridicules : il n’y a ni manipulation par la pègre, ni par les islamistes, ni organisation préalable des jeunes. La réponse apportée est absurde : une leçon à coups de matraque ne résoudra rien. A quand une bombe atomique dans les banlieues ?

Ces actes nous renvoient également à nous-mêmes, à notre vulnérabilité et notre impuissance. Nous nous sentons démunis, incapables d’avoir une quelconque prise sur le cours des choses. Nous ne sommes rien.

Enfin, le désespoir de ces jeunes est effrayant. Déjà d’ordinaire, le désespoir fait peur comme s’il pouvait être contagieux. Mais ici, ce sont les jeunes qui le manifestent, qui sont en action... pour détruire. Les jeunes c’est l’avenir. Un avenir qui sent fort le " NO FUTURE ".

A qui la faute ?

De multiples causes expliquent les comportements de ces jeunes. Nous n’allons pas chercher à pointer un coupable mais à mettre en évidence quelques éléments significatifs. La précarité des infrastructures de vie, le déficit de repères culturels, le déséquilibre économique et social sont à prendre en considération de façon fondamentale.

Les jeunes de banlieues sont généralement issus de l’immigration. On sait aujourd’hui que l’intégration n’est pas un processus linéaire et que, après plusieurs générations, ces jeunes se retrouvent déracinés. Ni leur culture d’origine, ni celle de naissance ne les reconnaît comme membre. Ils se retrouvent dans une impasse. Leur seule identité est d’être des " jeunes des banlieues ". A l’âge où le groupe et l’identification à celui-ci sont primordiaux, ils sont " obligés " d’agir selon la norme " on met le feu ".
Avec le phénomène de contagion auquel les médias participent sans le vouloir. Quête d’identité des jeunes et rites d’initiation à travers la violence et l’imitation. Il existe une " culture des banlieues ".

La société ne leur propose pas d’alternative. La valeur première de notre système reste le travail. Comme si la seule voie de développement était l’économie. Ces jeunes n’y ont pas accès.

De même, ils sont totalement absents de la sphère politique. Ils ne disposent pas, à un niveau élevé de discussion politique, de représentants pouvant relayer leurs réalités. Au-delà de leurs murs de banlieues, ils n’ont pas de possibilité d’expression par le langage. Ils s’expriment alors autrement.

Ces jeunes sont géniaux

Nous sommes profondément attristés par les événements violents qui se passent depuis des nuits dans les banlieues françaises. Nous le sommes d’autant plus que nous savons que les jeunes peuvent bâtir des projets, réaliser des actions collectives et constructives. Les jeunes sont pleins d’énergie qui ne demande qu’à s’exprimer, nous le voyons au quotidien. Les jeunes sont motivés et capables de réaliser de grandes choses.

Imaginons des milliers de jeunes qui dépenseraient la même énergie pour mener des actions positives simultanément dans différentes villes.

La Belgique n’est pas la France. Sa situation économique, sociale et politique est radicalement différente. Pourtant, des problèmes similaires se rencontrent aussi chez nous. Ils sont gérés autrement. En Belgique, l’associatif, particulièrement l’associatif jeune, est très présent dans la société. Et ce, au sein de toutes les catégories de population et de tous les milieux. Il n’est plus à démontrer que cette participation associative est facteur d’intégration, de citoyenneté et d’ouverture. L’associatif apporte un capital social non négligeable aux régions.

Du côté des Organisations de Jeunesse, les jeunes construisent des projets avec d’autres jeunes et pour d’autres jeunes. Nous leur proposons d’être acteurs et responsables de ce qu’ils entreprennent au sein d’un cadre qui doit être respecté mais qui peut être mis en débat. L’altérité constitue une richesse, le désaccord permet d’aller plus loin. Nous pouvons compter sur les jeunes.

Les jeunes ont du potentiel. La société devrait l’investir davantage plutôt que de disperser ses moyens dans la répression des débordements d’une minorité. Or ni le " Plan Marshal ", ni le " Pacte des générations ", ni les politiques sécuritaires en augmentation ne favorisent l’intégration des jeunes ou leur accès à la vie professionnelle. Nous voulons une valorisation des jeunes plutôt qu’une stigmatisation. Une action constructive plutôt que répressive. Du long terme plutôt que des one shot. Nous voulons une perspective d’éducation globale avec l’ensemble des acteurs éducatifs.

Brice Many
Secrétaire Général du CJC