Retarder l’accès à l’emploi des jeunes
Le débat est lancé dans la presse.
Nos aînés devraient travailler plus longtemps.
L’âge de la retraite devrait être reculé. Nous travaillerions donc jusqu’à 65 voire 70 ans là où aujourd’hui, nos aînés travaillent jusqu’à 65 ans maximum.
Ces discours, ces propos concernent les jeunes au premier chef. C’est nous dont on dit aujourd’hui que nous devrons travailler plus longtemps. Derrière ce discours, c’est nous aussi dont on dit que nous devrons attendre un peu plus longtemps encore avant, éventuellement, de trouver du travail. Ces discours s’inscrivent dans la continuité des mesures, déjà prises, sur le contrôle des chômeurs et leur potentielle exclusion du droit au chômage.
Flash-back sur le contrôle des chômeurs
Le gouvernement fédéral a décidé d’une série de mesures sur le contrôle des chômeurs.
Sans être technique, retenons qu’avant le chômage était un droit : celui qui n’avait pas de travail, avait droit à une indemnité de chômage.
Avec les mesures de contrôle des chômeurs, le droit au chômage s’applique seulement pour ceux qui entreprennent des démarches pour trouver du travail. Il y a les bons chômeurs, ceux qui cherchent, et les mauvais chômeurs, ceux qui ne cherchent pas. Or, le chômage touche énormément de jeunes qui, diplômés ou non, rencontrent de grosses difficultés à trouver un emploi. Ces mesures risquent donc d’exclure certains jeunes du chômage et par conséquent d’un certain accès à une autonomie financière.
Pourtant, il n’y a pas assez d’emplois vacants pour tout le monde. L’exclusion du droit au chômage est alors programmée pour un certain nombre d’entre nous.
Nouveau dans le débat : allonger l’âge de la retraite
A présent, les représentants des employeurs annoncent dans la presse qu’il faudra faire travailler les gens plus longtemps qu’aujourd’hui. Cela signifie que l’on va exclure, par le contrôle des chômeurs, certaines personnes du chômage d’un côté et augmenter, en retardant le moment de la retraite, la demande d’emploi de l’autre.
Dans les deux cas, les jeunes vont se retrouver au centre du dispositif puisqu’ils seront parmi ceux qui éprouveront de plus en plus de difficultés à trouver du travail.
Le nœud du problème : plus ou moins de solidarité ?
Derrière ces deux questions, s’en cache une troisième qui constitue le nœud du problème. Quel argent notre société va-t-elle et veut-elle investir pour garantir à chacun un revenu lui permettant de vivre de manière autonome ? En effet, pour financer les allocations de chômage ou les pensions, il faut épargner. Cette épargne se fait, à l’échelle belge, à travers les cotisations payées par chacun d’entre nous en situation de payer ses impôts. Concrètement, l’argent qui sert à payer les allocations de chômage et les pensions provient des impôts prélevés sur le salaire des travailleurs. Cet argent est prélevé en partie chez les employeurs et en partie chez les travailleurs. Il s’agit d’un système basé sur la solidarité. Les discours sur le contrôle des chômeurs et l’allongement de l’âge de la retraite vise donc à diminuer les besoins de la société pour financer solidairement ces deux systèmes. Sans le dire, les mesures proposées consistent à dire : nous sommes trop solidaires en Belgique. Il faudrait diminuer cette solidarité.
De cette façon, en réduisant le nombre de pensionnés par l’allongement de la durée du travail et le nombre de chômeurs par le contrôle des chômeurs, notre société réduirait ses besoins de financement de ces deux dispositifs. Dès lors, nous pourrions réclamer moins d’argent aux employeurs, notamment les entreprises. Avec moins de pensionnés et moins de chômeurs, la société a besoin de moins d’argent pour financer le droit à l’autonomie de chacun.
Le débat oublie deux évidences
Le raisonnement est séduisant mais il se heurte à deux évidences. La première est qu’il n’y a pas assez de travail pour tout le monde aujourd’hui. Cette situation implique que toute une série de gens sont sans emploi. Ils peuvent être pensionnés, chômeurs ou rien du tout. Les propositions relayées actuellement dans les médias promettent donc d’augmenter le nombre de personnes qui n’auront ni pension, ni chômage. Ces personnes n’auront rien du tout. Aujourd’hui, on peut penser qu’une des catégories les plus concernées, une catégorie qui risque de n’avoir plus rien du tout comme moyen d’autonomie, c’est nous. Les jeunes n’auront en effet que plus de difficultés à trouver du travail sur un marché particulièrement saturé. C’est déjà vrai aujourd’hui. Nous savons tous les difficultés qu’il y a à trouver un emploi, soit parce que nous en avons cherché un ou que nous le cherchons encore, soit parce que nous connaissons des copains, des copines qui de CV en CV sont toujours en attente d’un emploi.
Demain : le même débat sur la sécurité sociale
Demain, la presse annonce des débats sur le financement de la sécurité sociale.
Derrière ces mots qui peuvent nous apparaître abstraits, se cache en réalité ces questions de l’accès à l’emploi et du droit à certains moyens permettant une relative autonomie dans notre vie de tous les jours : les allocations de chômage, les retraites. La sécurité sociale concerne aussi le remboursement des soins de santé. En diminuant la solidarité au niveau des employeurs et des travailleurs, nous connaîtrons une diminution des allocations de chômage, des pensions, des remboursements de nos soins de santé. Nous ne connaîtrons pas pour autant une explosion des offres d’emploi contrairement à ce que pourraient dire certains pour nous convaincre d’accepter ces logiques égoïstes. Il y aura donc moins d’emploi, plus de chômage chez les jeunes, moins d’allocations de chômage et moins d’autonomie pour chacun.
Y a-t-il moyen d’agir ?
Ces questions en amènent immédiatement d’autres plus concrètes. La première est celle du « que faire ? ». Que pouvons-nous faire ? Il n’y a pas de réponses toutes faites qui assureraient le bien-être de chacun. Il est clair que nous devons être vigilants et chercher à décoder derrière l’apparente séduction des discours, ce que recherchent les gens qui les tiennent. Dès l’automne, des débats vont avoir lieu au cours desquels des questions essentielles vont se poser. Nous, jeunes de tous poils, gagnerons à suivre ces débats de près et à pouvoir manifester notre position par rapport à la société et à la société que le gouvernement, les employeurs et les syndicats vont nous construire pour demain et après-demain. Manifester notre position, nos avis de toutes les manières et trouver celle grâce à laquelle nous pourrons être entendu au mieux. Nous n’avons pas intérêt à entrer en conflit avec nos aînés pour financer les allocations de chômage aux dépens des pensions. Nous n’avons pas intérêt à financer les pensions aux dépens des allocations de chômage. Nous avons intérêt à nous préoccuper de l’avenir de ces dispositifs car il s’agit de l’avenir de notre vie dans la société d’aujourd’hui et de demain. Ces questions sont ouvertes et elles sont à suivre. Puissions-nous participer de la construction de réponses solidaires.
Vincent Gengler
Secrétaire Général adjoint du CJC