Hugo ! Benoît ! Rajeunissons l’engagement ! !

Quelques jours plus tôt, au Venezuela, c’est le Festival mondial de la Jeunesse qui s’est terminé. Dix jours de conférences, séminaires et autres activités « pour la paix, la solidarité, contre l’impérialisme et la guerre ». Plus de 20 000 jeunes issus de 200 pays différents étaient alors réunis pour cette sorte de « Forum Social Mondial » des jeunes. La présence de ces jeunes constitue une mobilisation de taille qui n’a toutefois pas l’ampleur des JMJ et qui de ce fait n’a pas été relayé dans les médias avec la même ampleur.

Au Venezuela ou à Cologne, les jeunes étaient mobilisés. Actifs, dynamiques, dans une liesse collective qui rassure sur l’individualisme ambiant. Pourtant, ces événements rappellent d’abord que les modes d’engagement ont changé et que les vieilles recettes servent plus les objectifs à court terme que les engagements dans le temps.

De ce point de vue, certaines similitudes entre les menus des JMJ et du FMJ peuvent être évoquées.

 Tout d’abord, ces deux événements ont rassemblé un grand nombre de jeunes autour d’une pensée préfabriquée. Pour le Festival Mondial c’est l’anti-impérialisme et le socialisme qui est de mise tandis que pour les Journées Mondiales, c’est le catholicisme qui est à l’honneur. Les participants sont présents pour affirmer leur adhésion à ces projets et valeurs, ainsi que pour entretenir collectivement cette adhésion.
 Ensuite, tant les JMJ que le FMJ s’ancrent autour d’une forte personnalité, d’un leader : le Pape Benoît XVI et le président du Venezuela, Hugo Chavez. Les moments importants et forts sont ceux marqués par la présence de ce leader (la messe célébrée par le pape ou le tribunal anti-impérialiste, par exemple).

Attardons-nous sur ces deux personnalités. Chacune dispose d’une autorité fondée sur des éléments analogues. Tous deux tentent d’ailleurs de multiplier ces fondements de leur autorité.

Tant pour Benoît XVI que pour H. Chavez, l’autorité provient d’un statut formel, d’une fonction : pape ou président. De plus, Benoît XVI est soutenu par l’importante tradition de l’Eglise catholique. H. Chavez, quant à lui, tente de se construire une tradition et d’appuyer son autorité sur celle-ci : il s’inspire de Simon Bolivar, le libérateur de l’Amérique latine et s’y réfère continuellement. Il se construit une sorte de filiation avec lui. Enfin, la troisième source d’autorité peut être définie comme le charisme. Alors que Chavez se sert de cette qualité de façon considérable, le Pape doit encore « prouver » qu’il peut être un leader charismatique.

 Enfin, de part et d’autre, les événements étaient organisés dans le but d’asseoir la légitimité du pouvoir : celui de l’Eglise et de la présidence. Ils constituent en eux-mêmes une preuve de cette légitimité et en même temps la façonne. Rien dans les dispositifs mis en place n’a eu pour but de solliciter le débat collectif. Les interventions provenaient de personnes qui partageaient a priori l’idéologie en vigueur, qui s’en trouve de cette manière renforcée.

D’autres points communs peuvent encore être pointés. L’utilisation d’un lieu symbolique, le choix de s’adresser aux jeunes, l’accent mis sur l’affectivité etc. Certaines dissemblances principalement quant aux sujets traités et aux opinions développées peuvent aussi être mises en évidence. Cependant, les éléments d’analyse développés précédemment nous paraissent essentiels.

Comme on le voit, tant à Cologne qu’au Venezuela, nous nous trouvons devant des organisations similaires. Les ingrédients sont peut-être différents mais la recette est identique. Et dans les deux cas, la mayonnaise prend. Ce genre de dispositif a pour effet de susciter la présence du public et son adhésion, mais cette adhésion est momentanée et partielle. Au-delà des belles images de foules, ces événements produisent peu de compréhension, de sens ou de conviction. L’objectif réel est de recueillir une légitimation du pouvoir par les masses, mais les masses rentrées chez elles que feront-elles ?

Aujourd’hui, ce qui crée de la citoyenneté, de la plus value sociale et citoyenne, c’est l’engagement de conviction, bien plus que l’engagement d’adhésion. Si les promoteurs de ces évènements veulent créer de l’investissement en continu, il faut passer par la participation des jeunes au projet. Cette participation doit se négocier et se construire collectivement. Si les événements tels que les JMJ et le FMJ veulent faire des petits durables et engendrer de l’engagement local à long terme ; si Benoît et Hugo veulent réussir le pari de l’engagement de conviction, ils vont bientôt devoir changer de cuistots.